L’hiver dernier, j’ai regardé un mec galèrer pendant 20 minutes au pied des pistes de Méribel. Ses skis étaient tellement longs qu’il n’arrivait même pas à les porter correctement. Je l’ai aidé à les caler sur son épaule, et il m’a avoué les avoir achetés en ligne « parce qu’ils étaient en promo ». Classique.
La réponse courte ? Entre ton menton et le sommet de ton crâne pour débuter, plutôt vers ton front si tu es confirmé. Mais ça dépend surtout de ton poids, de ce que tu veux faire en montagne, et du type de ski que tu vises. Je te raconte comment j’ai mis trois ans à piger ça.
Pourquoi j’ai mis 3 ans à comprendre
Mon premier vrai achat de skis ? Une catastrophe. J’ai pris des Atomic Redster en 178 cm parce que le vendeur m’avait dit « plus c’est long, plus c’est stable à haute vitesse ». Sauf que moi, je fais 1m75 pour 72 kg. Résultat : impossible de les manier dans les virages courts, et surtout, une fatigue monstre en fin de journée. Mes cuisses cramaient après trois descentes. J’ai tenu une saison avant de les revendre à perte sur Leboncoin.
Ce qui m’a sauvé ? Un moniteur ESF à Val d’Isère qui m’a expliqué que la taille dépend de trois trucs simples : ta morphologie, ton niveau technique, et ce que tu veux faire sur les pistes.
La base
Voilà le principe que j’applique maintenant : pour du ski all-mountain classique (ce que 80% des skieurs pratiquent), tes skis doivent arriver entre ton menton et le sommet de ton crâne quand ils sont posés verticalement devant toi. C’est la fourchette de départ.
Concrètement pour moi (1m75) : je tourne entre 165 et 175 cm selon le type de ski et le programme de la journée.
Par contre, cette règle change complètement selon ta pratique. Et c’est là que ça devient intéressant.
Les 4 facteurs qui changent tout
Ton niveau technique
Un débutant a besoin de skis plus courts. Point. J’en ai fait l’amère expérience en voulant « voir large pour progresser ». Des skis courts (entre ton menton et ton nez), c’est plus maniable dans les zones encombrées, ça pardonne les erreurs de carre, ça tourne facilement dans les virages godille.
Pour les skieurs intermédiaires à confirmés, tu peux viser entre ton nez et le haut du front. Tu gagneras en portance à haute vitesse sans sacrifier la maniabilité en virages moyens.
Ton poids (et oui, ça compte)
Si tu es plutôt léger pour ta taille, enlève 5 cm. Si tu es costaud, rajoute 5 cm. Mon pote Maxime fait la même taille que moi mais pèse 15 kg de plus : il skie en Head Kore 180 cm et moi en 170 cm. On a tous les deux raison.
Selon une étude de la Fédération Française de Ski, le ratio poids/longueur influence directement la répartition de pression sur le ski et donc sa réactivité en courbe. Un skieur trop léger sur un ski trop long ne parvient pas à le fléchir correctement pour enclencher les virages coupés.
Le type de ski que tu vises
Piste pure (slalom/géant) : Moins 5 à 10 cm par rapport à ta taille. Ces skis sont faits pour tourner court et réagir vite. Je skie en Rossignol Pursuit 168 cm pour mes journées piste damée, alors que je mesure 175 cm.
All-mountain (80-95 mm au patin) : Entre ton nez et ton front. C’est le compromis parfait entre piste et hors-piste occasionnel. Mon choix perso : des Salomon QST 92 en 172 cm.
Freeride/Powder (100-120 mm) : Plus 5 à 15 cm par rapport à ta taille. La longueur et le rocker te font flotter dans la neige fraîche. Attention, ça demande déjà une bonne technique de pilotage.
Freestyle/Park : Moins 10 à 15 cm. Pour les rotations et la maniabilité en l’air. Mon frère fait du park en Armada ARV 160 cm pour 1m78.
La largeur au patin (le truc qu’on oublie toujours)
Un ski large (plus de 100 mm au patin) nécessite souvent un peu plus de longueur pour compenser la surface de contact. Mon expérience : j’ai des K2 Mindbender 96 Ti en 172 cm avec 96 mm au patin, et mes skis de piste en 168 cm avec seulement 78 mm.
Les erreurs que je vois (et que j’ai faites)
Vouloir des skis « qui durent » en prenant trop long. Un débutant avec des skis de 180 cm ne progressera jamais correctement en chasse-neige. C’est comme apprendre le piano sur un Steinway désaccordé.
Copier la config de son pote. Ce qui marche pour lui ne marchera pas forcément pour toi. J’ai un niveau similaire à mon frère, mais on a 20 kg d’écart et des styles de ski complètement différents. Lui aime le carving agressif, moi je privilégie le pilotage souple.
Ne penser qu’à la longueur. Le rayon de courbe (entre 12m et 30m selon les modèles), le profil (cambre classique, rocker, ou cambre inversé), la rigidité du noyau… Tout ça joue autant. Un ski de slalom Rossignol Hero Elite en 165 cm sera plus exigeant physiquement qu’un all-mountain Blizzard Brahma en 175 cm.
Mon conseil pratique
Voici comment je procéderais si je devais racheter des skis demain :
- Je commence par définir où je skie 80% du temps. Si c’est principalement sur piste damée avec quelques incursions hors-piste à Courchevel ou Tignes, je pars sur un all-mountain entre mon nez et mon front (pour moi : 170-173 cm).
- Ensuite, je vérifie mon niveau honnêtement. Si je maîtrise mes virages parallèles à vitesse moyenne mais que je galère encore sur les pistes noires raides type Face de Bellevarde, je me considère intermédiaire. Dans mon cas : plutôt -5 cm que +5 cm.
- Je prends en compte mon poids : 72 kg pour 1m75, je suis dans la moyenne. Pas d’ajustement.
Résultat : Je vise 170 cm pour un all-mountain polyvalent avec un patin autour de 85-95 mm.
Dans mon cas réel, j’ai actuellement des Rossignol Experience 86 Ti en 172 cm. Franchement ? C’est parfait pour ce que j’en fais : 70% piste damée, 30% hors-piste facile type bord de piste poudreuse. Par contre, si je faisais plus de poudreuse profonde ou de ski de randonnée, je prendrais 5 cm de plus avec un patin autour de 105 mm, genre des Black Crows Camox.
Et le test magique ?
Un truc que peu de gens font : louer avant d’acheter. L’année où j’ai hésité entre 168 et 172 cm, j’ai loué les deux tailles sur deux weekends différents aux Arcs. Les 15 euros de location m’ont épargné 300 euros d’erreur.
La plupart des bons magasins comme Intersport ou Sport 2000 proposent même de déduire le coût de location si tu achètes ensuite. À Chamonix, chez Sport 2000, ils m’avaient fait ce deal.
Les cas particuliers
Tu skies avec tes enfants ? Prends plus court. Tu vas passer ton temps à faire des virages lents en chasse-neige et à les attendre aux remontées mécaniques. J’ai racheté des 165 cm juste pour les sorties avec mes neveux débutants.
Tu débutes le hors-piste ? Ne change pas encore de skis. Apprends déjà la technique avec ce que tu as. Mon erreur à l’époque : acheter des Volkl Mantra freeride alors que je ne savais même pas skier en neige non damée.
Tu es grand (+ d’1m85) ? Attention aux skis trop longs. Mon pote de 1m93 skie en 185 cm, pas en 195. Au-delà, c’est galère à transporter dans le téléphérique et ça n’apporte rien en terme de plaisir sur les pistes.
Ce que disent les pros
D’après le guide technique de Salomon (édition 2024), la tendance actuelle va vers des skis légèrement plus courts qu’il y a 10 ans. Les technologies de rocker tip and tail et de construction sandwich permettent d’avoir la stabilité d’un ski long avec 5 cm de moins.
Warren Smith, moniteur BASI britannique reconnu, explique :
« La plupart des skieurs récréatifs surchoisissent la longueur de leurs skis. Un ski plus court ne signifie pas moins performant, mais plus accessible. »
J’ai aussi discuté avec un technicien chez Dynastar qui m’a confirmé que leurs Speed Zone (gamme piste) sont volontairement conçus 5 cm plus courts que les anciens modèles pour la même performance. Le rayon de courbe et le profil compensent.
Mes recommandations selon le profil
Histoire de te simplifier la vie, voici ce que je conseillerais selon ton cas :
- Débutant/Intermédiaire léger (moins de 70 kg) : Ta taille -10 à -15 cm
- Débutant/Intermédiaire standard : Ta taille -5 à -10 cm
- Confirmé polyvalent : Ta taille -5 à 0 cm
- Expert piste (virages coupés) : Ta taille -10 à -5 cm (ski nerveux)
- Freeride régulier : Ta taille 0 à +10 cm
Ces fourchettes sont celles que j’utilise quand mes potes me demandent conseil avant d’aller chez Glisshop ou Snowleader. Elles fonctionnent dans 90% des cas.
Les formules qu’on trouve partout (et pourquoi je ne les utilise pas)
Tu as peut-être vu des formules du genre : « taille en cm x 0.8 – 10 pour les skis de piste ». Je les ai croisées sur pas mal de sites, mais franchement, elles donnent des résultats complètement déconnectés.
Prends mon cas (175 cm) :
- Skis de piste : (175 x 0.8) – 10 = 130 cm → Des skis pour enfant
- Skis de randonnée : 175 x 0.9 = 157,5 cm → Beaucoup trop court
- Skis de freeride : 175 x 1.0 = 175 cm → Presque cohérent
- Skis de freestyle : (175 x 0.9) + 5 = 162,5 cm → Pourquoi pas
La formule pour les skis de piste me donnerait 130 cm alors que je skie en 168 cm. Ça n’a aucun sens.
Je pense que ces formules datent des années 90-2000 quand les skis étaient beaucoup plus longs, et qu’elles n’ont jamais été mises à jour. Les vendeurs chez Decathlon, Sport 2000 ou les loueurs en station ne les utilisent jamais. Ils regardent ta morphologie, te demandent ton niveau, et choisissent dans la bonne fourchette.
Mon conseil : oublie ces calculs et fie-toi aux repères visuels simples.
Dernière chose avant de foncer au magasin
N’oublie pas que tes fixations comptent aussi dans l’équation. Un bon réglage DIN adapté à ton poids et ton niveau peut compenser un léger décalage de taille. Et franchement, entre 2 ou 3 cm de différence, ton engagement et ta technique feront 10 fois plus la différence.
La vraie question à te poser : est-ce que tu veux des skis rassurants ou des skis qui te feront progresser ? Les premiers seront plus courts, les seconds un peu plus longs. Dans mon cas, j’ai choisi le compromis avec mes Rossignol, et je ne regrette rien.
Maintenant, à toi de jouer. Et si tu hésites encore entre deux tailles au magasin ? Prends la plus courte. Tu me remercieras au bout de 10 descentes sur les pistes bleues de La Plagne. Et si tu n’aimes pas skier, ne t’inquietes pas il existe aussi des stations adaptées !